WitchHands, c'est un excellent groupe venu du Colorado et dont le premier album a fait parler de lui à sa sortie, et pour cause, il déchire la gueule !
Il aura fallu du temps à cette interview pour voir le jour, mais c'est un plaisir de vous la présenter aujourd'hui.
Véritable force motrice de l'underground des États-Unis, WitchHands porte haut l'étendard du Deathrock et ajoute sa touche toute personnelle à ce style ancestral. Les messieurs du groupes ne sont pas avares en paroles et vous constaterez vite qu'il s'agit de personnes vraiment sympathiques et passionnées.
Propos recueillis par Xzvrey en 2024
1/ Hello WitchHands ! Comment allez-vous ? Avez-vous de bons retours concernant votre album « No Gods No Masters » ? Qu’est-ce que vous écoutez en ce moment ?
Hello from Colorado! Nous allons bien. Je pense et j’espère que notre album se porte bien aussi. Il semble que les retours soient positifs. Nos goûts en matière de musique sont collectivement très éclectiques :
Brian - Final Gasp, Death Gang, Alaric, Esses, Nothing, and Drug Church
Ryan - New Model Army, Nox Novacula, Theatre of Hate, Detoxi, Sky Cries Mary, Shrouds, Tears for the Dying, Diavol Strain, Esses
Danny - Damn, hard question. I am digging the new Gaslight Anthem, Calabrese, Sturgill Simpson, Stephen Wilson Jr, and Cancerslug
Dæmien – Ces derniers temps j’ai beaucoup écouté les nouveaux albums de : Spectres, The Wraith, Night Sins, et Fearing. J’aime également beaucoup redécouvrir des albums plus anciens qui ont eu une grosse influence sur moi. En ce moment il s’agit des trois premiers Fields Of The Nephilim albums et de Misery.
2/ OK, c’est parti. Premièrement, pouvez-vous raconter l’histoire du groupe s’il vous plaît ? Qui sont les musiciens impliqués dans le projet ?
Ryan – Eh bien, fin 2016, Aaron, notre premier guitariste et notre batteur : Brian étaient dévorés par l’envie de créer un groupe de Deathrock après qu’Aaron se soit fait virer de son groupe d’Horror Punk. Ils m’ont recruté (Ryan) pour être leur chanteur. Elay Arson a été notre bassiste pendant une courte période, le temps de produire notre démo. Il a été remplacé par Jodajen à la basse et à la production sur tout le processus de création de No Gods No Masters. Sur l’album, Jodajen a pris le rôle de guitariste et nous avons recruté notre copain Danny Vigilante à la basse. Il a été chanteur pour le même groupe qui avait viré Aaron.
Depuis, le line-up a encore changé. Brian est à la production, Daemien a pris la guitare. Quant à Ryan et Brian ils sont toujours respectivement le chanteur et le batteur du groupe.
3/ Vous venez du Colorado c’est cela ? Comment se portent les scènes Post-Punk/Goth par chez vous ? Y a-t-il beaucoup de groupes, concerts, public ?
Nous sommes bien basés dans le Colorado ! Les scènes sont plutôt bonnes ici. Il y a quelques salles qui brassent des personnes de tous âges. Il y a également des soirées goths dans plusieurs villes. Il y a un bon nombre de groupes Goths et Indus dans notre État. Ils ont tendance à avoir une base assez électronique par contre. Nous sommes actuellement le seul groupe de Deathrock du Colorado.
4/ Vous avez sorti quelques enregistrements avant de lâcher le monstre qu’est « No Gods, No Masters ». Est-ce que le processus de création de l’album était différent par rapport à vos précédents efforts ? Qui écrit les chansons dans le groupe au fait ? Comment organisez-vous le travail ?
Brian – Le processus de création n’a pas vraiment changé, même s’il y a eu des modifications de line-up. Nous apportons tous des éléments aux chansons et Ryan écrit les paroles. En gros, quelqu’un arrive avec des riffs en répétition ou alors nous nous échauffons en jouant des plans « random » et nous en gardons quelques idées. Nous travaillons tous à partir de nos instruments respectifs.
Danny – J’ai toujours cru à la collaboration lorsqu’on parle d’écriture de musique ; chacun ayant une importance égale et son mot à dire.
Ryan – En général une ligne de gratte ou de basse prend forme en répétition ; Brian a toujours été un très bon arrangeur pour toutes nos sorties et tous nos titres. Il est vraiment capable d’entrevoir comment les différentes parties vont se combiner, combien de fois il faut jouer telle ou telle partie.
En gros, les autres apportent un nouveau titre terminé à 90% et j’apporte les paroles et les lignes de chant par-dessus. J’aime laisser aux instruments la place nécessaire pour s’exprimer. Donc j’écris souvent beauuuucoup trop de paroles et je fais ensuite les coupes nécessaires. Ensuite nous jouons le titre et en général on l’accélère haha. En général nous essayons de jouer les nouveaux titres sur scène avant de les finaliser et de les enregistrer afin que la chanson sonne plus comme si on la jouait sur scène. Cela accélère aussi le processus d’enregistrement soit dit en passant.
Damien – En tant que nouveau membre, je pense que cela me prendre encore du temps pour m’habituer à la dynamique du groupe et à la logique de composition mais je me sens à l’aise à 100% et ce depuis le premier jour car il est évident que chaque membre du groupe recherche la même chose. Nous voulons tous écrire les titres les plus forts possibles et donner le meilleur de nous-même.
L’écriture est purement collaborative et démocratique – tout le monde contribue à sa façon. Il nous arrive d’avoir des suggestions pour les parties des autres aussi mais nous respectons tous ce que les autres proposent. Cela nous permet de créer collégialement ce que nous estimons être le meilleur possible.
5/ Il y a une énergie très punk dans votre musique. Est-ce que vous jouez aussi dans des groupes de punk en plus de WitchHands ? Est-ce qu’il vous arrive de partager l’affiche avec des groupes de punk ?
Brian – Oui, et oui ! Je joue en ce moment dans un groupe de punk et nous avons tous joué dans des formations punks au cours de notre vie. Nous aimons beaucoup jouer avec des groupes de ce style car il y a toujours une pure énergie.
Danny – J’ai un background très orienté Horror-Punk/Punk et Death-Punk. J’aime à penser que j’apporte une contribution permettant d’avoir un son unique ; originel. J’ai joué dans d’autres groupes de ce style et c’est quelque chose que j’aime beaucoup. Concernant les influences, je pioche aussi dans les classiques de la country américaine : Conway Twitty et George Jones, mais aussi, dans des musiques plus modernes comme Creeper ou encore Gaslight Anthem. Les influences musicales de chaque membre du groupe influencent notre propre son et j’espère que cela donne du corps à notre propre musique, que cela lui donne de l’authenticité.
Ryan – Au début, on nous a catalogué dans le métal parce que notre premier logo évoquait cette scène. Mais maintenant, nous jouons avec presque autant de punks que de gothiques ! J’écoutais beaucoup de métal, de grunge et de rock classique quand j’étais plus jeune. Quand nous avons démarré le groupe, j’écoutais beaucoup de goth et Nick Cave également. Je pense que les influences Nick Cave et Jim Morrison s’entendent dans mes premiers enregistrements. Mais lorsque que l’énergie punk est entrée en ligne de compte dans le groupe : « no more crooning, just aggression ».
WitchHands est mon premier groupe au fait.
Dæmien – Le Deathrock est un genre à part qui se situe vraiment entre le Goth-Rock et le Punk. Il est donc naturel que les éléments punks s’invitent dans notre son. Personnellement, je suis autant attiré par les scènes Post-Punk/Goth/Deathrock que par le Crust-Punk, le D-Beat et l’Anarcho-Punk. Je suis un peu plus vieux que les autres gars du groupe et j’ai joué dans pas mal de groupes punks depuis la fin des années 80 et pendant toutes les années 90 un peu partout aux Etats-Unis.
6/ Êtes-vous actifs dans d’autres projets liés aux scènes Post-Punk/Goth ? Radios, zines, orga de concerts ?
Ryan – Je suis propriétaire d'une friperie gothique et punk à Colorado Springs appelée The Arbitrarium. Nous vendons lors de nombreux événements gothiques et alternatifs et nous organisons des expositions d'art. Je fabrique également les produits dérivés des groupes et les bijoux pour le magasin. Occasionnellement, je fabrique des flyers et des produits dérivés pour d'autres groupes. Je suis toujours heureux de faire des interviews et des podcasts, mais je n'ai pas beaucoup de temps pour d'autres choses comme les zines.
Brian – Danny et moi commençons un podcast. Un de ces jours, le premier épisode sortira.
Danny - What Brian said.
Dæmien – Je joue dans pas mal d’autres groupes en plus de WitchHands donc l’essentiel de mon temps libre est consacré à travailler la musique pour ces projets. Plague Garden est un groupe plus orienté Darkwave/Post-Punk dans lequel je joue de la guitare. J’ai aussi le projet Goth-Rock Ceremonial Leather dans lequel j’écris et enregistre tout (sauf le chant).
7/ Qu’aimez-vous faire avant et après une répétition ? Repos ? Fiesta ? Cueillette de champignons ?
Ryan – Je travaille la nuit, donc je vais souvent au travail (ou sur le tapis roulant) après les répétitions.
Brian – Stretch. Ensuite je jette généralement un coup d’œil aux enregistrements de la répétition et je réfléchis aux améliorations possibles pour les différents morceaux.
Danny – J’aime les vidéos de chattons pour me vider l’esprit après une dure journée.
Dæmien – En général je conduis avant et après les répétitions haha… Je vis dans une autre ville située à 1H30 de route des autres membres du groupe donc j’ai un peu de trajet. Cela vaut le coup de le faire pour moi donc je n’ai aucun problème avec ça. Cela me laisse le temps d’écouter de la musique ou même de penser à des idées pour mes propres projets.
8/ Quels sont vos thèmes favoris en matière de paroles ? Quels sont les concepts développés dans votre musique ? Quelles sont vos inspirations en général ?
Ryan – J’ai toujours eu un sens de l’humour morbid et une vision relativement pessimiste. Je vis ma vie positivement car l’alternative est : se coucher et mourir. Mais je pense toujours à la mort, la souffrance, la crainte existentielle, la religion, la politique, la philosophie et comment cela impacte les gens, l’histoire et le monde. J’écoute beaucoup les infos, des émissions d’histoire et de littérature, et je lis des nouvelles ou des romans en faisant autre chose.
En général, je pense à quelques paroles pendant que je fais autre chose, et je les mets dans un long, très long, fichier texte. Ensuite, lorsqu'une nouvelle chanson est prête pour les paroles, je ressens l'ambiance, j'attrape un bon paquet de ces morceaux de paroles et j'essaie de les réduire à une idée centrale ou à un thème, un concept. No Gods No Masters est devenu un album conceptuel parce que c'était toutes les idées qui me passaient par la tête quand je m'asseyais pour écrire.
Je trouve que mes meilleures idées surgissent que je vois d’autres groupes en live. Leurs idées et leur feeling m’inspirent.
Un artiste que j'aime m'a jeté plus d'une fois un regard noir parce que j'avais l'air d'envoyer des textos à un concert, alors que j'étais en train d'écrire le début d'une nouvelle chanson. La plupart du temps, j'écris assis à mon bureau, la chanson jouant en boucle pendant des heures. J'arrive probablement à 4 ou 5 versions que j'aime avant de l'essayer avec le groupe. Et je finis presque toujours par réécrire l'ensemble plusieurs fois après l'avoir chanté avec eux. Lorsqu'elle commence à s'ancrer dans mon cerveau, je sais que je suis sur la bonne voie.
Je pense que je prends un peu trop le terme Deathrock au pied de la lettre car mes chansons finissent toujours par parler de la mort d’une façon ou d’une autre.
9/ J’ai vu sur votre page bandcamp que vous aviez quelques concerts prévus pour septembre et octobre, tous dans le Colorado. Est-ce que vous avez de temps en temps l’opportunité d’aller jouer dans d’autres États ou même dans d’autres pays ? A quel point le live est important pour le groupe ?
Brian – Nous avons joué dans beaucoup d’autres états et nous avons vraiment aimé ça. J’aime me confronter aux autres scènes au sein de notre pays. On adorerait jouer à l’international évidement. Je tire de l’énergie du public. D’ailleurs, cela peut parfois changer la façon de jouer un morceau spécifique.
Danny – les concerts, c’est très important ! Je sais que nous nous efforçons de faire en sorte que lorsque nous jouons dans une salle de concert, tous ceux qui paient une entrée et achètent une boisson aient le sentiment que l'argent qu'ils ont dépensé pour nous voir a été bien dépensé. Les concerts sont ce qui amène les gens à la musique. Ressentir la basse, entendre les paroles, cela établit une connexion avec eux, nous nous rapprochons des gens, découvrant de nouveaux fans.
Ryan – J’adore enregistrer mais je fais de la musique pour la jouer en live. Septembre et octobre, c’est la saison « Spooky » où nous essayons de rapporter tous les thèmes liés à Halloween. Cette année, nous jouons à Los Angeles pour un ÉNOOOORME festival de Deathrock juste après Halloween*.
Je suis aussi impatient de voir tous ces groupes sur scène que de jouer moi-même. On adorerait jouer un peu partout dans le monde.
[* NDLR : le Dia de los Muertos ; une affiche de dingue !]
Dæmien – J'ai hâte de jouer, beaucoup, et partout. À mon avis, les concerts sont le moteur de l'existence d'un groupe. Les albums sont les ancres artistiques d'un groupe et des preuves de son existence à un moment donné... mais les concerts sont l'occasion pour un groupe de faire ce qu'il fait le mieux : jouer. C'est là qu'un groupe peut vraiment se connecter avec son public, où le groupe et la foule se nourrissent l'un l'autre pour créer une expérience unique qui ne peut être reproduite nulle part ailleurs. WitchHands n'est pas différent. Lorsque nous jouons devant un public qui comprend ce que nous faisons, l'énergie est incroyable et incomparable.
10/ Mi-temps ! Et si nous faisions une pause débilitée ? De nombreux groupes Goth et Metal intègrent le mot « Witch » dans leur nom*. Avez-vous dû chercher longtemps pour trouver votre nom de groupe ? Selon vous, qu’est-ce que c’est que ce bazar à propos de toutes ces sorcières gravitant autour du monde Rock’n’Roll en général ? Sommes-nous les proies d’une malédiction ou quelque chose du genre ? Quelle est votre théorie ?
Brian – Il y a sans aucun doute une malédiction ! Elle nous a probablement frappés en 2022 parce que nous n'avons eu que des problèmes lors d'une tournée d'été. Il serait intéressant de réunir tous les groupes dont le nom contient « Witch » et d'organiser un « Witch Festival ».
Danny – Je suis tombé dans un anneau de fées lorsque j'étais un jeune satyre et j'ai été maudit par une sorcière pour vivre ici-bas jusqu'à ce que je puisse retrouver les 69 noms secrets d'Ulag'Sha Golurath, le Néant Venimeux.
Ryan – Le vrai problème pour nous c’est que tout le monde se goure et écrit notre nom « Witch Hands » au lieu de « WitchHands ». Je pense qu’il y a beaucoup de groupes avec le mot Witch car les sorcières son plus sexy que les vieux sorciers. « Wizard Hands », ça sonne un peu comme une daube genre Harry Potter.
Dæmien – Ben, en fait, ce n’est une question stupide du tout ; j’ai pris le temps d’y réfléchir un peu…
Lorsque de nombreux individus à l'esprit ouvert et mécontents remettent en cause le statu quo et rejettent les idéologies dominantes, ils vont à la rencontre d'autres modes de vie, d'autres croyances, d'autres modes de pensée, etc. C'est en grande partie pour cette raison que «l’underground» est si attrayant pour beaucoup de gens, et il y a beaucoup d'aspects qui captent l'imagination plus que les éléments mainstream. Beaucoup de ces concepts non conventionnels vont de pair et fonctionnent souvent très bien ensemble - comme les musiques sombres, les idéologies païennes, l'esthétique visuelle mystérieuse/obscure/éthérique etc.
Il est tout à fait naturel qu'il y ait des thèmes communs qui se chevauchent. En d'autres termes, il se trouve que beaucoup de choses comme ça fonctionnent bien ensemble, donc elles seront toujours présentes d'une manière ou d'une autre. Alors oui, vous verrez certainement beaucoup de ces mêmes éléments dans les sous-cultures en dehors du courant dominant... beaucoup de noms communs, beaucoup d'esthétiques communes, beaucoup de sons communs, beaucoup de philosophies communes. Mais cela ne les rend pas moins profonds ou importants.
*[NDLR : à commencer par votre serviteur qui joue dans un groupe de Heavy/Thrash appelé… Stonewitch].
11/ Parlons un peu de vos goûts maintenant. Quels sont vos groupes favoris (anciens et récents, peu importe) ? Y a-t-il des albums vraiment importants dans votre vie qui vous ont profondément marqués ?
Ryan – The Doors, Nick Cave & The Bad Seeds, Metallica, Pink Floyd, The Chameleons, Theatre of Hate, Motörhead, Black Sabbath, Nox Novacula, Judas Priest, Bright Channel, Alice In Chains, Sister of Mercy, Siouxsie, Wilson Pickett, The Builders and the Butchers, Killing Joke, Patti Smith.
Tous ces groupes ont dans leur discographie au moins quelques albums de dingue. Cependant, il y a trop de noms à citer ici.
Danny – Zombie Ghost Train, George Jones, Motörhead, GWAR, Blitzkid, 8-Ball Grifter, Social Distortion, The Church, Pat Benatar, The Other, The Faint, The Rosedales, Sia.
Dæmien – Cela change constamment pour moi vu que je découvre sans cesse de nouvelles sonorités que je ponce à mort par la suite. J’ai été influencé par les classiques des débuts du deathrock et des musiques goth comme les premiers Christian Death, Xmal Deutschland, Fields Of The Nephilim, Nosferatu, Bauhaus, Sisters Of Mercy etc… et aussi par quelques albums plus underground comme T.S.O.L., Conflict, Rudimentary Peni. Les débuts du D-Beat comme Discharge, Doom, Disclose, etc. De même, le punk 90’s : Misery, Aus-Rotten, Hiatus, State Of Fear, etc.
12/ Que pensez-vous des scènes Post-Punk/Goth ? Est-ce parfait ainsi ou sommes-nous en train de foirer quelque chose ? Qu’est-ce que cela signifie : « Goth » pour vous ? Est-ce important d’ailleurs ?
Ryan – Le goth est la scène musicale et la scène musicale est le goth. Je pense que ce que l'on appelle spécifiquement gothique VS ce qui ressemble à de la musique gothique VS ce qui est écouté par les goths ; tout cela peut devenir aussi confus qu’un nuage. Mais au centre de tout ça, il y a une poignée de groupes dont tout le monde s'accorde à dire qu'ils sont gothiques, et ils ne sont pas nécessairement identiques entre eux - ou n'appartiennent pas toujours au même genre - d'un morceau à l'autre. Sisters of Mercy a un hymne gothique avec Black Planet, mais ils ont aussi fait du hard rock, des ballades, et une reprise de Jolene par Dolly Parton. Siouxsie et sa ribambelle de guitaristes ont interprété des chansons sombres et effrayantes comme Voodoo Dolly ou Red Light, ainsi qu'un tas de chansons des Beatles. Bauhaus a fait Hollow Hills et Bela Lugosi's Dead, puis Fishcakes. The Cure peut faire une incroyable chanson d'amour, un cauchemar psychédélique comme One Hundred Years, puis Love Cats. Etc.
Je pense que la scène musicale évolue au gré des tendances, et c'est ce qui détermine ce qui manque. Il est plus facile que jamais de jouer de la musique goth old-school ou nouvelle. Mais les tournées et les complications techniques peuvent parfois faire évoluer les tendances. Il y a eu une tripotée de groupes de Darkwave et de clones de Twin Tribes ces dernières années, parce que si vous êtes deux personnes et un ordinateur portable, il est très facile de jouer dans toutes les villes et de se payer un repas. Avant cela, on ne pouvait pas échapper à un million de groupes industriels dans chaque ville pour la même raison. (En tout cas, en ce qui concerne la scène américaine).
L'industrie musicale ne soutient pas 99,9 % des artistes, il est donc plus difficile que jamais de tourner. Mais il semble que les gens s'intéressent de nouveau à la musique gothique avec une base rock (guitare, basse, batterie) après des années de lignes de basse staccato et de claquements de mains. Espérons que WitchHands se trouve au bon endroit et au bon moment pour être apprécié.
Dæmien – La scène est ce que nous en faisons tous. Elle n'existe pas sans les gens qui s'impliquent dans l'organisation d'événements, de concerts, de groupes, de podcasts, de zines, etc. Si vous n'aimez pas la scène dans laquelle vous êtes, créez la vôtre en faisant certaines des choses que je viens de mentionner, ou en faisant tout ce que vous pensez pouvoir impulser un sens communautaire... parce que cette scène n'est rien sans sa communauté.
Qu'est-ce que le gothique ? C'est un genre musical... mais c'est aussi une sous-culture qui s'est développée autour de cette forme de musique. Peu importe les éléments périphériques de cette sous-culture, c’est la musique qui la soude et c’est le seul élément central.
J'ai eu la chance de côtoyer une scène gothique active et dynamique au milieu et à la fin des années 80 et je peux vous dire qu'il n'a jamais été question de s'en tenir aux règles de ce que cela signifiait d'être gothique. Il y avait beaucoup de jeunes qui gravitaient autour de deux concepts très simples : l'amour de la musique sombre et dansante (et de son esthétique) et le rejet du dogme/de l'idéologie dominante. La musique gothique n'était même pas un type de son ; il s'agissait d'une vibration et d'une énergie dans la musique qui lui donnait une atmosphère sombre… plus sombre. Mais comme c'est le cas pour la plupart des choses, les gens qui gravitaient autour de ce mouvement ont commencé à y penser de manière excessive et cela s'est transformé en quelque chose qui n'a que très peu de ressemblance avec l'époque où c'était une scène nouvelle et florissante. Il y a encore des gens qui partagent l'esprit du goth et du deathrock, comme les membres de WitchHands, et c'est pourquoi nous continuons à faire ce que nous faisons.
13/ Quel genre de personnes êtes-vous ? Avez-vous un travail, une famille et des hobbies en dehors de la musique ? Comment l’activité de WitchHands s’organise-t-elle autour de votre vie quotidienne ?
Ryan – J'ai rencontré un paquet de gens qui voulaient que la première chose qu’on sache d’eux était qu’ils faisaient partie d’un groupe. J'oublie parfois que je fais partie d'un groupe, lol. C'est le point culminant de ma semaine quand je peux faire une répétition ou jouer un concert, mais je suis souvent au boulot. Je travaille à l'Arbitrarium de temps en temps, je fais mon travail de nuit qui me permet de payer les factures. Je n'ai pas d'enfants. Pendant mon temps libre, j'aime customiser des vêtements, modifier ou jouer de la guitare et regarder des films. De temps en temps, j'écris de la fiction, je fais de la photographie, du graphisme, je me promène dans les bois. J'écoute beaucoup de podcasts et de livres audio. De temps en temps, quelqu'un me reconnaît dans la rue parce qu’il m’a vu avec le groupe ou alors au magasin. Le fait d'être un grand gaillard avec un Deathhawk ou un grand chapeau noir me rend facile à repérer.
Danny – Je suis infirmier et également vétéran de l’armée des USA. J’ai pas mal de potes avec qui j’aime passer du temps, et, bien sûr, il y a mes chats. J’aime le gaming et être en société. Je me suis mis au brassage de la bière et à la fabrication de l’hydromel et j’adore cuisinier.
Dæmien – Je travaille à temps plein à distance depuis mon domicile dans le domaine de l'informatique en tant que chef de projet. J'ai deux partenaires romantiques que j'aime beaucoup. J'ai deux filles issues d'un précédent mariage, qui ont bien grandi. La musique est ma principale passion, elle occupe donc la majeure partie de mon temps libre, en particulier parce que je fais partie de plusieurs groupes. WitchHands est cependant une priorité. Lorsque j'ai envie de prendre l'air, j'adore faire des randonnées dans les montagnes.
14/ De nos jour, la musique sur support physique semble être condamnée à être l’affaire de quelques passioné(e)s mais on dirait que cela n’intéresse plus du tout les masses. Vous avez sorti un (super) CD cette année, comment ressentez-vous la chose ? Est-ce qu’il se vend bien ?
Ryan – No Gods No Masters a été l'une des meilleures ventes de Bat-Cave pendant un certain temps. C'était une bonne chose. Surtout après n'avoir rien sorti pendant quelques années. Je suis abonné à leur système pour recevoir des CDs tous les mois et j'adore les recevoir puis les écouter dans ma voiture pendant des heures. J'aime aussi acheter des disques et des t-shirts à la plupart des groupes avec lesquels nous jouons. Mais il semble que je sois l'un des rares à aimer les CD, parce que tous les autres aiment les disques vinyles. (Les CD sont quand même mieux).
Danny – J’ai hâte de terminer le nouvel album et de le présenter au grand public.
Dæmien – Personnellement, j'essaie toujours de soutenir les groupes en achetant leurs albums ou du merch, même si j'écoute souvent de la musique en streaming. En tant qu'artiste, je pense toujours qu'il est important de sortir des supports physiques comme des CD et des vinyles parce que de nombreux groupes (dont WitchHands) ne se limitent pas à créer de la musique. Les albums sont une déclaration artistique, et cette déclaration peut être visuelle, tactile, littéraire (en incluant les paroles) et bien d’autres choses encore. Ceci étant dit, j'ai hâte de dévoiler nos nouvelles chansons pour que tout le monde puisse entendre ce sur quoi nous avons travaillé dur.
15/ Vous avez sorti votre album grâce au mythique label Bat-Cave Productions*, dirigé par le grand seigneur des chauves-souris : Tomasz. Comment s’est déroulé le deal ?
You released your album through the mighty label Bat-Cave Production, owned by the great bat-lord Tomasz. How did the deal take place ?
Ryan – Il a lancé un appel pour des groupes de Deathrock, alors je lui ai envoyé un message passionné pour lui dire à quel point j'aime le label et tous les groupes du roster ; puis, j'ai continué à lui envoyer des démos une fois qu'il a manifesté son intérêt. Ce qui est vraiment cool avec Tomasz, c'est qu'il fait pratiquement tout, tout seul : le festival, l'envoi des CD, et maintenant il a acheté une maison hantée pour y organiser des concerts et des enregistrements. Il ne demande pas les droits d'édition et ne vous met pas dans une position de merde avec une dette énorme à rembourser comme le feraient de gros labels. Il aime simplement la musique, comme nous tous. Il devrait y avoir plus de gens comme Tomasz dans le monde.
Danny – J’ai souhaité très fort que cela arrive en tenant un trèfle à quatre feuilles au moment où passait une étoile filante. Je suis presque sûr que cela a fonctionné !
*[NDLR : décidemment ce label est fréquemment dans les bons coups].
16/ Quel est votre meilleur souvenir avec le groupe ? Y a-t-il un but que vous souhaitiez atteindre avec WitchHands avant de plonger la tête la première dans la tombe ?
Ryan – J’adore quand le public demande un rappel car cela calme le sentiment d’imposture qu’on pourrait ressentir. Le must, c’est quand un autre chanteur est époustouflé par votre performance et qu’il vous le fait savoir. Pour ce qui est de la liste des choses à faire, il y a beaucoup de groupes avec lesquels j'aimerais partager la scène. C'est le moyen le plus facile de rencontrer vos héros et de voir les choses d’un bon point de vue héhé. Mais ce que j'aimerais vraiment, c'est que les gens chantent Carpe Noctem avec moi, lol.
Danny – Lorsque nous étions en tournée l'année dernière, l'un des promoteurs nous a appelés « les gars les plus sympas du deathrock » et ça m'a vraiment fait sourire. Un autre souvenir : quand nous avons joué au Lucky Liquor et partagé la scène avec Altar de Fey, Datura, et Esses. C'était un concert extraordinaire. Mon objectif est de jouer en Europe et au Mexique.
Dæmien – A date, mon meilleur souvenir a été mon premier concert avec le groupe l'année dernière. En fait, leur guitariste avait soudainement démissionné et j'ai reçu un coup de fil un soir me demandant de le remplacer pour un concert à guichets fermés qui devait avoir lieu dans moins d'une semaine. J'ai eu environ quatre jours pour apprendre la totalité de leur set. Je suppose que je me suis bien débrouillé, car ils m'ont demandé de rejoindre définitivement le groupe quelques jours après le concert.
Cela dit, j'ai l'impression que ça ne fait que commencer et qu'il y aura encore beaucoup de bons souvenirs en perspective.
17/ Comment est-ce d’être un zicos de Post-Punk/Goth dans votre pays ? Est-ce que les gens respectent cela ou est-ce qu’ils vous crachent à la gueule ? Y a-t-il parfois des problèmes avec des communauté religieuses quand vous jouez ou des trucs craignos du genre ?
Ryan – Je pense que dans beaucoup de scènes américaines, il y a des gens qui disent qu'ils ont aimé votre musique ou vos prestations lives, puis qui disent de la merde sur vous ou répandent des rumeurs pourraves dans votre dos. Heureusement, la plupart des gens avec qui nous avons travaillé sont des gens adorables, qui ont les pieds sur terre et qui aiment la musique. Et c'est réciproque. Notre ville, Colorado Springs, est considérée par les gens de l'extérieur comme un quartier général rétrograde et de droite pour les groupes religieux fascistes et l'armée. Honnêtement, comparée à d'autres régions du pays, la nôtre est plutôt cosmopolite. Je ne suis pas vraiment harcelée ou dévisagée et je peux manger des aliments du monde entier tous les jours de la semaine. J'aimerais que les chrétiens montent une guéguerre contre nous et nous fassent de la publicité gratuite au passage. Mais peut-être qu’on est trop effrayants et dissuasifs ?
Danny – Il est parfois difficile de décrire notre univers musical aux personnes extérieures à la scène, mais j'ai commencé à l'appeler « Fast and Sad Music ». Personne ne nous repousse vraiment, ils nous ignorent largement s'ils ne nous connaissent pas.
18/ Maintenant, c’est l’heure de la question la plus ancestrale du zine : quels sont vos plats et boissons favoris ? Avez-vous une recette spéciale WitchHands ?
Ryan – Je suis connu pour m’enfiler d'ENORMES bouteilles d'eau en chantant. Après le spectacle, j'aime beaucoup boire un bourbon sur glace ou un verre de vin rouge. En particulier certains mélanges vieillis dans des fûts de rhum ou de whisky. Même si j'aime toutes sortes de plats exotiques, comme tout Américain un peu vulgaire, je serais capable de me satisfaire de hamburgers, de pizzas et de tacos à tous les repas.
Danny – Ma nourriture préférée, c’est la cuisine Cajun. Concernant la boisson, j’aime ce que j’appelle un « PB&J » : c’est un mélange d’environ 700 ML de Pabst Blue Ribbon et d’un shooter de Jameson (whiskey). Ryan a des goûts de luxe et moi je suis plutôt du genre col bleu/prolétariat.
Dæmien – Je suis une passionnée de cuisine. Je ne pourrais pas me limiter à mes plats préférés, mais j'adore préparer des plats traditionnels cajuns et créoles comme le gumbo, le jambalaya et des tonnes d'autres plats courants dans le sud de la Louisiane, d'où je suis originaire.
19/ Voulez-vous dire quelque chose de plus au lectorat avant de fermer ce chapitre ?
Ryan – Je dis toujours aux gens que je leur garantis une mort certaine après avoir écouté notre musique. Je veux aussi que tout le monde sache que nous serions ravis de jouer dans votre ville, où que ce soit dans le monde, vous n'avez qu'à nous y faire venir. Et nous sommes également impatients que les gens entendent nos nouveaux titres.
Danny – Une longue vie n'est jamais garantie et vous devriez tester les trucs les plus bizarres dès maintenant. De plus, si vous aimez notre musique, n'hésitez jamais à nous le dire. Nous aimons savoir que nous avons touché les gens.
Dæmien – Merci d’avoir lu cette interview. Merci de faire partie de nos fans. Si vous aimez un temps soit peu le Deathrock, assurez-vous de ne pas rater nos futures sorties.
20/ Eh bien, merci beaucoup d’avoir répondu à mes questions, je suis impatient de vous voir sur scène un jour ou l’autre.
Cheerz !
Ryan - ¡Adios!
Danny - Au revoir!
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